Roman-feuilleton – chapitre 3 : L’autonomie du MAC et les contre-réformes de Trudeau père (1974-1979)

Textes et analyses | 27 mai

En 2020, le MAC de Montréal fête ses 50 ans. Pour souligner cet heureux anniversaire et découvrir la riche histoire de notre organisme de défense des sans-emploi, nous publions le roman-feuilleton Le MAC, 50 ans de lutte. Chaque mois, deux (2) nouveaux épisodes pleins de rebondissements vous seront proposés.

Découvrez dès aujourd’hui le troisième chapitre : L’autonomie du MAC et les contre-réformes de Trudeau père (1974-1979). Au menu cette semaine :  premières attaques contre le régime d’assurance-chômage, conflits idéologiques et un vol nocturne au MAC.

L’autonomie du MAC et les contre-réformes de Trudeau père (1974-1979)

Le 1er juin 1974, le volet « assurance-chômage » du Local populaire  se sépare du volet « aide aux sinistrés » et devient officiellement le Mouvement Action-Chômage de Montréal. S’il demeure indépendant en tant que groupe, il est maintenant très proche du Conseil central des syndicats nationaux de Montréal (CCSNM), qui le finance et participe aux décisions et orientation. Rappelons que l’Action-Chômage, un organe de la Jeunesse Ouvrière Catholique (J.O.C.),  proche de la CSN,  est très présent partout au Québec où il fédère crée ou encourage la création de groupes de sans-emploi, dont les premières Maisons du chômeur.

Les liens entre les groupes populaires de chômeur.ses et la CSN sont donc étroits. Le MAC s’exprime d’ailleurs régulièrement au congrès du Conseil central. « Nous   comptons  maintenant  plus   d’une  quinzaine  de  chômeurs  qui  assurent  la  permanence des services  d’Action-Chômage.  L’action-chômage  dans  plusieurs  régions  du  Québec  fonctionne  depuis  quelques  mois.   La  plupart   des  membres   d’action-chômage  sont   des  travailleurs   sans   emploi  parce  qu’ils  refusent  de  travailler  dans  les  cadres  d’une  exploitation  capitaliste.   

Les  membres  ont   tout  simplement   choisi  librement  et  consciemment  de  s’engager  dans  une   action  politique  bien  définie.  Les  buts  premiers   du  Mouvement   d’Action-Chômage   sont  d’amener  les chômeurs  à  élucider  les  causes  réelles   et   les   effets   du  chômage, afin que  d’instruire  ceux-ci  de  leurs  droits.    

Nous  avons  démontré  aux  chômeurs  que  dans  plusieurs   situations  là  où  ils  avaient  échoué   seuls,   qu’une fois  regroupés,  ils   réussiraient.     Nous   leurs  avons  prouvé  d’une   façon  concrète  que   la  solidarité   était   la  seule  force  des   travailleurs ».[1]

 TROP-PERÇUS : QUAND LA MACHINE ADMINISTRATIVE DÉRAILLE -1

 Du côté de la mobilisation, le MAC poursuit l’action du Local populaire en chargeant à fond de train contre la machine administrative qu’est la Commission de l’assurance-chômage (C.A.C.). En 1975, une manifestation est organisée pour dénoncer le fait que la C.A.C. ait versé des prestations en trop à plus de 20 000 prestataires dans la région montréalaise, pour ensuite exiger le remboursement de ces chèques de manière très agressive. Le MAC dénonce le fait que la C.A.C. aient créé un département de recouvrement de toute pièce pour effacer son erreur, en faisant des visites à domicile et des menaces au téléphone.[2]

Même les agents de recouvrement de la C.A.C., par la voix de leur syndicat, dénoncent cet exercice désespéré, visant à retrouver près de 14 millions de dollars versés par erreur !

« Résultat : les agents de recouvrement seraient pris entre l’arbre et l’écorce, entre des patrons avides de rendement, mais avares de moyens et des individus démunis, toujours menacés par des erreurs administratives dont ils ne sont pas responsables. »[3]

Suite à cette sortie, il semble que la C.A.C. ait mis fin pour un temps à ses méthodes de prêteur sur gage.

C-69, LA PREMIÈRE CONTRE-RÉFORME DE TRUDEAU PÈRE

En 1975, en plein ressac de la crise du pétrole de 1973 et avec un taux de chômage encore jamais vu, le gouvernement Trudeau dépose le projet de loi C-69.

Il s’agit du premier d’une longue série de changements qui fragiliseront la Loi sur l’assurance-chômage de 1971. Adoptée dans le contexte de la Société juste, thème central du premier mandat de Pierre Elliot Trudeau, cette version de la Loi d’assurance-chômage est encore aujourd’hui considérée comme la plus humaine et inclusive qu’ait connue le Canada depuis la naissance du régime en 1940. En effet, de 1971 à 1975, 96% des travailleur.ses en chômage ont droit à leurs prestations.

Avec le projet de loi C-69,  155 000 personnes perdent soudainement leur droit à l’assurance-chômage et sont ainsi davantage appauvries. Ce projet de loi prive de prestations les chômeur.s.es de plus de 65 ans, le paiement anticipé qui permettait de recevoir un chèque d’assurance-chômage plus rapidement en cas d’urgence est aboli et le supplément pour les familles est diminué. De plus les exclusions pour départ volontaire ou congédiement pour inconduite doublent, passant de 3 à 6 semaines.

Le MAC et la CSN dénoncent cette dernière sanction, grave atteinte à la liberté de travail. « Les travailleurs devront donc demeurer à leur poste, même si le climat de travail est intolérable dans leur entreprise ou si on les force à remettre leur démission. »[4]

«  Le MAC dénonce les politiques actuelles du marché du travail, ainsi que l’application répressive, aliénante et esclavagiste de la loi fédérale de l’assurance-chômage. »[5]

Le projet de loi entre en vigueur le 1er janvier 1976.  Jusqu’à octobre 1977, le MAC défendra des travailleur.ses de 65 ans et plus devant le Conseil Arbitral qui contestent leur récente exclusion du régime en invoquant des droits acquis.

« En mars 1977, sous l’initiative des avocats du Service juridique et communautaire de Pointe-Saint-Charles et de la Petite Bourgogne, une nouvelle contestation du règlement litigieux avait lieu devant un Conseil arbitral, contestation qui devait mener à un autre jugement favorable aux prestataires de 65 ans et plus. (…) Déboutée, la CAC logeait un appel qu’elle gagna en cour fédérale. »[6]

La première manche contre l’âgisme du gouvernement est donc perdue. La bataille pour la couverture des travailleur.ses de plus de 65 ans sera pourtant victorieuse, nous y reviendrons.

PREMIERS DÉBATS SUR LA MISSION DU MAC ET…PREMIÈRE CRISE !

La mobilisation difficile contre ce projet de loi néfaste entraîne une crise interne au MAC. En 1976, la tempête éclate, alors que plusieurs militant.es reprochent à Michel Dansereau, porte-parole du MAC, de contrôler à lui seul l’organisme et ses orientations. Selon ces militant.es, l’échec de l’opération CISEAUX, mobilisation à grande échelle contre la loi C-69, met en lumière l’absence d’implantation du MAC dans les secteurs ouvriers de Montréal et les lacunes de sa vie associative.

Ces militant.e.s souhaitent une décentralisation des activités du MAC afin que les sans-emploi des différents quartiers de Montréal puissent s’organiser de manière autonome et sur une base locale en privilégiant la coopération avec les groupes populaires. Ils et elles souhaitent également prendre leurs distances du Conseil central, à qui il reproche de négliger la défense des travailleurs non-syndiqués. Le Conseil central, de son côté, perçoit davantage le MAC comme un syndicat de chômeurs intégré en son sein se concentrant plus sur l’action politique que sur l’offre de services individuels, qui relève selon lui des syndicats locaux. Cette approche est critiquée par plusieurs :

« L’équipe, après en avoir discuté, s’est refusé de faire de l’activisme plus longtemps et de dépenser à coup de mille piastre l’argent des travailleurs pour faire des shows ou annoncer des hot lines (sans en aviser personne). »[7]

Après le départ de Dansereau et de deux militant.e.s le 25 mars 1976, le MAC prend officiellement ses distances du Conseil central et déménage au 1015 Sainte-Catherine, dans l’optique d’être au cœur de la vie du quartier Centre-Sud et d’agir comme centre de référence pour les organisations locales.

Le Comité de Mobilisation aux Luttes Ouvrières (CMLO), un organisme fondé par Dansereau suite à son départ du MAC, conteste les nouvelles structures organisationnelles du MAC, ainsi que son action sur le terrain. Le CMLO tenta de se faire reconnaître par le Conseil central comme unique interlocuteur en matière de lutte des sans-emploi. Des membres du CMLO iront voler, le soir du 12 octobre 1976, une bonne partie des archives et des outils de travail du MAC dans ses nouveaux locaux rue Sainte-Catherine.

« Suite aux derniers événements vécus, le Mouvement Action-Chômage n’a pas d’autres choix que de dénoncer avec vigueur l’attitude PUTSCHISTE et FACHISTE du Comité de Mobilisation aux Luttes Ouvrières.

PUTSCHISTE ET FACHISTE parce que le CMLO n’a pas eu honte d’employer des méthodes dignes de la Gendarmerie Royale et du Chili de Pinochet pour voler tous les documents et matériel d’un autre groupe populaire. » [8]

La CSN fera pression pour que tout soit rendu au MAC, ce qui sera heureusement fait. Le CMLO est dissous quelques temps plus tard.

C-27 : DEUXIÈME ATTAQUE DE TRUDEAU CONTRE SON PROPRE RÉGIME

En 1977, le gouvernement Trudeau attaque une nouvelle fois le régime d’assurance-chômage et la sécurité financière des chômeur.se.s. Le projet de loi C-27 exige davantage de semaines travaillées dans la dernière année pour avoir droit à des prestations. Depuis 1971, on exigeait huit (8) semaines travaillées pour avoir droit aux prestations. C-27 divise le Canada en régions de chômage (toujours présentes aujourd’hui) et établit un seuil d’admissibilité variable selon les régions, exigeant entre 10 et 14 semaines de travail dans la dernière année.

Dans certaines régions moins touchées par le chômage, la Commission d’assurance-chômage exige désormais 14 semaines, au lieu de 8, doublant presque le nombre de semaines de travail exigées. Au Canada, c’est 253 000 « travailleurs-chômeurs », comme on le disait à l’époque, qui perdent leur droit à l’assurance-chômage et se retrouvent sans le sou. Les principales victimes sont les travailleur.ses récents ou à temps partiel, en l’occurrence les femmes, les jeunes et les immigrant.es :

«Les femmes immigrantes constituent la majeure partie de la force de travail dans l’industrie de textile. Dans un contexte où les préjugés sociaux autour de la question du chômage sont utilisés pour justifier le chômage  lui-même, on pourrait facilement percevoir les immigrants-es comme des voleurs de job. Ce préjugé s’intègre avec les autres préjugés sur le chômage, préjugés entretenus par la société capitaliste»[9].

Pour mieux faire avaler le tout, on orchestre une campagne publicitaire « anti-fraudeurs » qui coûtera 1 million à l’État alors que les déclarations trompeuses constituent moins de 0,4% du total des sommes versées par l’assurance-chômage. »[10]

Le MAC dénonce les mauvais raisonnements de la C.A.C., qui justifie son projet de loi parce « que la loi telle qu’elle est en ce moment peut inciter les prestataires à l’oisiveté. Pour affirmer ceci, elle (la C.A.C.) s’est basée sur le fait que certains perçoivent plus d’argent qu’ils ne cotisent à la C.A.C . Il n’en demeure pas moins que le nombre d’emplois disponibles au Canada est inférieur à celui des chômeurs ».[11]

Pour le Comité régional intersyndical de Montréal (CRIM) et son porte-parole Michel Chartrand, l’exercice sert aussi à donner bonne figure au gouvernement en diminuant artificiellement le taux de chômage.

Pour une deuxième fois en 2 ans, le MAC est le témoin impuissant d’un resserrement des critères d’accès qui plongent dans la pauvreté des centaines de milliers de travailleur.ses. L’adoption de C-27 en 1977 confirme le changement de ton qui s’opère au gouvernement. L’idéologie keynésienne, qui favorisait l’intervention de l’État pour réguler le capitalisme à travers un solide filet social, s’étiole. La table est mise pour un régime minceur, qui perdurera sous Mulroney, Chrétien, Martin et culminera par le saccage du gouvernement Harper (2012).

LE MAC : SERVICE INDIVIDUEL OU MOBILISATION COLLECTIVE ?

C’est dans ce contexte que le MAC initie en 1977 une réflexion sur la place de l’action politique et de la mobilisation dans l’organisme, qui est alors débordé par les dossiers de défense individuelle, générés par le haut taux de chômage, l’exode du secteur manufacturier et les nouvelles coupures du gouvernement Trudeau.  Certes, « pour pouvoir mobiliser les travailleurs-chômeurs sur les intérêts fondamentaux il faut satisfaire les intérêts immédiats (ne pas tomber dans l’erreur de certains)[12].

 « Néanmoins, il ressort un consensus minimal exprimé par les membres à l’effet que le MAC à travers les services qu’il rend aux travailleurs-chômeurs tente avec ces derniers de leur démontrer le caractère injuste et exploiteur de notre société et ce à travers les difficultés qu’ils vivent avec la Commission d’Assurance-chômage.

Dit plus simplement, le travailleur-chômeur doit comprendre que le problème n’est pas en lui mais dans l’organisation de la société et qu’il devrait agir en conséquence (s’impliquer) s’il veut que cette société change dans ses intérêts.

L’assemblée des travailleurs-chômeurs doit être une priorité dans la pratique du MAC car elle brise le traditionnel isolement des travailleurs-chômeurs pour les impliquer dans une démarche collective (…) Ainsi, le service téléphonique sera voué à garder le contact avec les travailleurs-chômeurs, à faire connaître le MAC et à inciter les gens à venir nous rencontrer le jeudi au lieu de régler leurs problèmes de façon immédiate au téléphone »[13]

Ce sont les premières traces de réflexion quant à l’équilibre à trouver entre le service individuel et l’action collective. Ce débat, et ce qu’il implique en terme de vision de ce qu’est le MAC, perdure depuis, comme nous le verrons plus tard.

LE DIVORCE MAC-CSN

Dès janvier 1978, le débat se transforme rapidement en nouvelle crise interne. Deux groupes s’opposent : le premier, identifié au Conseil central de la CSN, participe à la construction d’un large front montréalais contre la pauvreté, le Conseil provisoire populaire, regroupant les ADDS, les ACEF, le MAC et les syndicats. Il milite également pour l’incorporation légale du MAC et l’établissement de structures démocratiques bien définies, à l’image de la démocratie syndicale. Le deuxième groupe s’oppose à ce qu’il appelle la bureaucratisation du MAC, semble plus près des idées libertaires et d’un mode d’organisation moins structuré et souhaite décentraliser encore davantage le MAC et former un regroupement officieux de chômeur.se.s à travers la province.

Le ton monte rapidement, chaque faction accusant l’autre de mépris de la classe ouvrière et de ne miser que sur le service au détriment de la lutte politique. La crise mène au départ des militant.es plus près du monde syndical. Au printemps 1978, les communications sont rompues entre le MAC et le Conseil central. Dès lors le MAC n’est plus financé par la Conseil central, qui crée alors son propre Comité de lutte au chômage. À ce sujet, la CSN n’est pas tendre… :

« L’histoire du MAC fut marquée et est encore marquée aujourd’hui par une série de crises successives provenant d’une incapacité d’enracinement dans le milieu et l’absence totale d’une direction démocratique ouvrière. » [14]

À travers les tumultes, le MAC continue de militer avec le monde syndical pour une clause-type de convention collective permettant de maintenir le lien syndical après la fin de l’emploi, afin de mieux protéger les chômeur.ses après une mise à pied ou un congédiement.

TROP-PERÇUS : QUAND LA MACHINE ADMINISTRATIVE DÉRAILLE -2

En dépit de sa récente indépendance face au monde syndical, acquise au prix d’un divorce brutal, et encore en pleine réflexion interne sur sa mission, ses structures et son action, le MAC sera très actif en 1978, surtout au plan de la mobilisation collective.

À l’été 78, le gouvernement annonce que 6000 chômeur.se.s de Montréal doivent rembourser entre 100$ et 900$ au gouvernement à cause d’une erreur informatique qui a généré des paiements par erreur[15].

Le MAC crée le comité trop-perçu, qui aura le soutien actif de la Ligue des droits de l‘Homme et de nombreux groupes populaires et syndicats. Le 28 septembre 1978, lors du lancement de la campagne régionale sur les trop-perçus, Gilles Ménard, vice-président de la CEQ déclare :

« il y a quelque chose de foncièrement révoltant et d’indécent dans le recouvrement des prestations versées en trop par erreur, mesure que sa centrale considère comme moralement et socialement inacceptable. »[16]

Après avoir reçu tant politique qu’administratif, le comité trop-perçus se tourne vers les tribunaux. Une dizaine de prestataires endetté.es conteste  la validité du trop-perçu et l’obligation de rembourser. Des lignes de piquetage et des manifestations d’appui  devant les bureaux des conseils arbitraux sont tenues lorsque le MAC y représente ces prestataires.

Cette bataille sera malheureusement perdue tant au Conseil Arbitral qu’en appel au juge-arbitre. De l’argent reçu en trop de l’État, peu importe le contexte, reste de l’argent reçu en trop : « the Queen can’t do no wrong », comme le veut le vieux principe de droit administratif…

C-14 : LE GOUVERNEMENT TRUDEAU ENTERRE SON PROPRE RÉGIME

Toujours en 1978, le MAC crée le Regroupement du MAC de Montréal, qui vise à engager le dialogue avec les organisations populaires anti-pauvreté de toutes les régions du Québec et à encourager la lutte des sans-emploi à l’échelle nationale. Ce réseau informel d’allié.es à travers le Québec est une structure interne du MAC et n’est pas un regroupement national, bien qu’il tienne le même rôle. Les groupes de sans-emploi du Québec devront rapidement apprendre à travailler ensemble pour faire front à un nouveau projet de loi dévastateur pour les « travailleurs-chômeurs ».

Le projet de loi C-14 ou les mesures Cullen, du nom du ministre fédéral de l’Emploi et de l’Immigration Bud Cullen, est annoncé à la fin de 1978. Les mesures Cullen veulent faire passer le taux de prestations de 66 à 60 % et doubler la pénalité pour départ volontaire, avec une exclusion des prestations de 7 à 12 semaines.

Encore plus grave, elle crée deux catégories de prestataires. Désormais, il faut avoir travaillé 15 semaines complètes (20 heures de travail au lieu du 48$ de salaire précédent…) dans la dernière année pour être admissible.

Les travailleur.ses ayant travaillé 14 semaines ou moins dans la dernière année pourront être éligible si ils et elles ont travaillé 20 semaines dans l’année précédente. Ainsi, on punit les personnes moins présentes sur le marché du travail dans la dernière année en leur imposant une somme de travail jamais vue pour se qualifier au chômage.

Cette réforme exclura 200 000 travailleur.ses précaires du régime, en immense majorité des jeunes, des femmes et des immigrant.es. L’analyse du MAC est claire, le but est de rendre plus attrayants les emplois moins rémunérés, spécialement pour les salarié.es précaires qui n’ont aucune marge de manœuvre.

«  Encore cette année, la propagande sexiste de l’État et des patrons attaque les femmes sur la question du chômage. Même si le chômage atteint plus durement les femmes que les hommes, on attribue au retour des femmes sur le marché du travail la hausse du taux de chômage. On considère leur apport à la population active comme marginal et secondaire. Les préjugés qui veulent que les femmes soient la cause du chômage et qu’elles n’ont pas besoin de travailler sont faux et visent à diviser les femmes et les hommes dans leurs luttes pour une vie dans des conditions décentes. Le MAC de Montréal tient à dénoncer cette propagande sexiste. »[17]

Le MAC travaille à la création du Front commun contre les coupures à l’assurance-chômage. Le 6 avril 1979, la manifestation contre C-14 dans le quartier montréalais d’Hochelaga le 6 avril réunit 1500 personnes issues des organisations populaires et des syndicats. Face aux attaques « anti-pauvres » du gouvernement, le MAC étoffe son discours politique :

«  Nous on pense que les chômeurs ne sont pas responsables de la crise économique. Nous on n’en profite pas de cette crise, on la subit.

On pense au contraire que les compagnies profitent de cette crise pour augmenter leurs profits. On pense qu’ils sont les vrais responsables de la crise actuelle et que ce n’est pas à nous de se serrer la ceinture pour leur permettre de faire encore plus d’argent »[18].

Les mesures Cullen seront finalement adoptées…sans aucun changement. L’adoption du projet de loi C-14 constitue la troisième et dernière attaque frontale du gouvernement Trudeau contre le régime qu’il avait pourtant lui-même créé en 1971…

Malgré l’adoption de C-14, la mobilisation contre les mesures Cullen permet au MAC de se déployer, de gagner des allié.es et des membres, mais aussi de développer un discours critique face à la philosophie politique qui s’installe au pouvoir pour les décennies à venir. Le combat contre C-14 définit ce que sera l’action collective au MAC pour les 40 années à venir. Et il ne manquera pas de projets de loi à combattre !

ET MAINTENANT ON FAIT QUOI?

Le Regroupement des chômeurs et chômeuses du MAC est dissout après un an d’existence. Le MAC continuera de décentraliser son action, mais il le fera en encourageant la création d’autres MAC partout au Québec. Le Regroupement des chômeurs et chômeuses du Québec (RCCQ) naît de cette volonté de fédérer les groupes de chômeur.ses en décembre 1979.

Malgré un climat politique tendu, le MAC ne se résigne pas et continue à réfléchir à son action :

Il ne s’agit, à partir de ces constatations, de développer un point de vue réformiste, au contraire. Nous savons à quel point il est inutile de se contenter de demander à l’État de faire quelque chose. Cependant, il serait ridicule de renoncer à lutter pour des réformes. Car, une part de plus en plus large des chômeurs (ses) est réduite littéralement à la misère et à intérêt, dans le court terme, à trouver une solution immédiate à ses problèmes concrets. L’acuité de leurs problèmes quotidiens nous oblige à ce réalisme. Nous sommes dans une période non-révolutionnaire. La perspective réaliste pour le MAC et les organisations apparentées, c’est d’organiser la lutte contre la détérioration des conditions de vie. Les chômeurs (ses) sont prêts à lutter. Le sommes-nous ? [19]

Comme nous le verrons dans les chapitres suivants, le MAC sera prêt. Désormais une organisation populaire totalement indépendante, le MAC continuera à lutter avec ferveur dans la décennie 80, malgré un climat politique plus que morose.

Prochain chapitre :  le calme avant la tempête (1980-1988)

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[1] Seule la mobilisation des travailleurs vaincra le capitalisme, Rapport du Mouvement Action-Chômage de Montréal présenté au 17e congrès du CCNSM tenu du 29 mai au 1er juin 1975.

[2] Protestation contre des mesures d’intimidation de la C.A.C., La Presse, 17 avril 1975

[3] À l’assurance-chômage, les employés se plaignent de ce qu’on leur fait faire, Gilles Tremblay, La Presse, 27 juin 1975

[4] Le fédéral donne aux employeurs une arme supplémentaire (Pepin), Louis-Gilles Francoeur, Le Devoir, 9 janvier 1976

[5] Les classes inférieures écopent d’un état de crise permanente, communiqué de presse du MAC paru dans La Presse, 21 juillet 1976

[6] Le Journal des chômeurs mobilisés (oct. 1977) : p.8-9

[7] Anonyme, Communication interne du MAC de Montréal, 1976.

[8] Anonyme, Communication interne du MAC de Montréal, 1976.

[9] Le chômage et les préjugés sociaux : l’immigration, document interne, 1977, p.3

[10] Anonyme, Communication interne du MAC de Montréal, 1977

[11] Le projet de loi C-27 : 13% des chômeurs n’auront plus droit à leurs prestations, Cristiane Berthiaume, La Presse, 13 avril 1977

[12] Un MAC combatif, Pierre Dulude, 28 novembre 1977

[13] Comité de l’assemblée du Jeudi avec les travailleurs-chômeurs, 1977, p.3-4

[14] La CSN et l’organisation des chômeurs, 1978 p. 3.

[15] Chômeurs pénalisés, Michel Gagnon au nom du Regroupement des chômeurs, Mouvement action chômage, lettre d’opinion parue dans La Presse, 27 juillet 1978

[16] Le comité des trop perçus de l’assurance-chômage entreprend sa campagne contre la Commission, Michel Hotte, La Presse, 27 septembre 1978.

[17] Les mesures Cullen et les femmes, Mouvement Action-Chômage de Montréal, 1979, p.1

[18] INFOMAC vo. 1 no 6 printemps 1979, Mesures Cullen, MAC de Montréal, 1979

[19] Anonyme, communication interne du MAC de Montréal, décembre 1979