L’Avis du tribunal : démissionner pour un autre emploi

Lois et règlements | 1 octobre

Lorsqu’on se retrouve au chômage après avoir démissionné, on perd son droit aux prestations d’assurance-chômage. Dans le jargon, on appelle ça « une exclusion totale pour départ volontaire injustifié ».

Ahmed vient nous voir. Il a perdu son emploi et s’est fait refuser le droit aux prestations d’assurance-chômage, car il n’a pas assez d’heures travaillées dans la dernière année. Il lui en faut 700 et il en 692…. Dans les faits, il a travaillé beaucoup plus, mais il a démissionné d’un emploi il y a 9 mois et toutes les heures travaillées avant cette démission ont été effacées, comme le veut la Loi sur l’assurance-emploi depuis 1993 et l’infâme réforme Valcourt.

Ahmed a quitté son emploi il y a 9 mois car il était épuisé, autant psychologiquement que physiquement. Dans la soixantaine, il était concierge et devait descendre seul les poubelles d’un immeuble de 28 étages sans aucun équipement ni aide. C’est un emploi éreintant, qu’il a pris en attendant que commence un autre emploi mieux payé et moins difficile. Incapable de continuer jusqu’au début de l’autre emploi, il démissionne. Il ne demande d’assurance-chômage entre les deux jobs. C’est quand le second emploi se termine pour des raisons hors de son contrôle qu’il demande son assurance-chômage et que cette démission vient lui nuire, car elle efface de précieuses heures lui donnant droit aux prestations.

Normalement, quand on démissionne d’un emploi pour en occuper un autre, cette démission ne nuit pas à notre chômage. On considère que le départ volontaire est justifié, car on a « l’assurance raisonnable d’un emploi dans un avenir immédiat ».

Dans le cas de M. Ahmed, la Commission d’assurance-emploi a jugé que les 10 semaines entre les deux jobs n’étaient pas un « avenir immédiat ». Même si Ahmed n’a pas demandé d’assurance-chômage durant ces 10 semaines. Même si son corps était en miette et sa santé mentale fragile. Même s’il avait un contrat en poche.

Lorsque Ahmed est venu au MAC en juin dernier, on l’a aidé à contester son refus en révision administrative. La Commission d’assurance-emploi a persisté et signé et il a encore perdu. Nous l’avons accompagné au Tribunal de la sécurité sociale qui, la semaine dernière, lui a donné raison. Le tribunal a écrit qu’il faut considérer l’ensemble des facteurs pour justifier un départ volontaire à l’assurance-chômage. Le tribunal en a aussi profité pour préciser une chose : ni la Loi ni la jurisprudence ne définit ce qu’est un « avenir immédiat ». On ne peut pas dire  que 10 semaines c’est trop long ou 8 ou 13 ou 2. C’est une affaire de contexte. Ahmed aurait bien voulu passer d’un emploi à un autre sans s’appauvrir, mais sa santé ne lui permettait simplement pas.

La morale de l’histoire : même quand Service Canada a l’air sûr et certain d’avoir raison et vous sort des articles de Loi et des jugements, ce n’est pas (nécessairement) la vérité. Ils inventent parfois (souvent) des règles. Chômeur.ses : défendez vos droits !

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