AVIS DU TRIBUNAL
Textes et analyses | 17 décembre
Pour pouvoir toucher des prestations d’assurance-chômage, il faut avoir travaillé un certain nombre d’heures dans l’année qui précède la demande. Par exemple, ce mois-ci à Montréal, il faut avoir cumulé 665 heures assurables dans la dernière année, qu’on appelle la période de référence. Quand on a été malade durant la période de référence et qu’on n’a pas touché de prestations s’assurance-chômage maladie, on peut prolonger cette période d’autant de semaines que les semaines qu’a durée la maladie. Cela permet de reculer dans le temps et d’ajouter des heures de travail à la période de référence. Avec ces heures, on peut devenir admissible. Ensuite, plus on a d’heures, plus on bénéficiera de semaines de prestations.
Graziella vient nous voir au MAC de Montréal. Elle travaille comme technicienne dans le domaine de la foresterie depuis des décennies. Elle a été mise à pied par manque de travail par son employeur et a fait une demande d’assurance-chômage. L’année qui a précédé cette demande (période de référence), Graziella a très peu travaillé car elle se remettait d’un grave accident automobile. La Société d’assurance-automobile du Québec (SAAQ) l’a d’ailleurs considérée comme inapte au travail à cause des séquelles subies. Toute l’année avant de tomber en chômage, Graziella a vu son médecin régulièrement et fait de la physiothérapie, en plus de tenter pendant quelques semaines un retour au travail sur ordre du médecin, qui a malheureusement aggravé ses maux et retardé sa guérison.
Graziella est refusée par l’assurance-chômage car elle n’a pas les heures requises dans sa période de référence (665). Elle fait elle-même une demande de révision administrative de ce refus, argumentant que sa période de référence devait être prolongée car elle était malade toute l’année. Elle fournit toute la documentation nécessaire. Malgré la lettre de la SAAQ qui dit qu’elle était incapable de travailler pour des raisons médicales toute l’année et malgré les rapports de la physiothérapeute, la Commission d’assurance-emploi exige de Graziella des billets médicaux couvrant toute la période. Le problème est qu’elle n’a pas vu son médecin à chaque mois, que ce dernier ne lui faisait que des arrêts de travail à coup de 2 semaines et que durant certaines périodes, entre les rendez-vous et durant les vacances du médecin, elle n’a pas pu consulter et n’a pas de billet. La Commission n’en démord pas, devant ce dossier compliqué elle ne prolongera la période de référence que sur la base de billets médicaux. Graziella voit sa période de référence prolongée de quelques semaines, loin de l’année demandée. Elle est acceptée à l’assurance-chômage, mais sera protégée pour seulement quelques semaines.
Graziella sonne à la porte de notre organisme. Nous la représentons devant le Tribunal de la sécurité sociale et argumentons que la Commission est trop exigeante. La loi énonce que la période de référence peut être prolongée lorsque le prestataire soumet, de la manière que la Commission peut ordonner, une preuve médicale. Nous argumentons que la décision de la SAAQ, basée sur des évaluations médicales, selon laquelle Graziella est inapte au travail durant un an et le rapport de la physio, constituent une preuve médicale suffisante pour prolonger la période de référence pour maladie. Le tribunal donne raison à Graziella et juge que, dans le cas de Graziella, l’exigence supplémentaire de billets médicaux consécutifs pour toute l’année, constitue un exercice abusif du pouvoir discrétionnaire de la Commission, alors que ces propres politiques ne comportent pas ce type d’exigence.
La morale de l’histoire : il y a des limites au labyrinthe bureaucratique dans lequel l’assurance-chômage peut entraîner les travailleur.ses pour les priver de leurs prestations. Défendez vos droits !