Assurance-chômage: «Le ministre Kenney doit corriger le tir»
Interventions médiatiques | 19 juin
Lettre d’opinion publiée le 19 juin sur le site Web du Journal de Montréal:
Par Me Hans Marotte
Mouvement Action-Chômage de Montréal
– «Le TSS sera plus rapide, efficace et proposera une meilleure expérience aux chômeurs.»
Le 1er avril 2013, le gouvernement canadien abolissait le système d’appel en matière d’assurance-chômage qui était en place depuis la création du régime. De l’avis de la vaste majorité des intervenants en cette matière, ce système était d’une très grande efficacité. Les éloges venaient de tous les horizons. Tant les représentants des groupes de défense des sans-emploi, les avocats, les greffiers du Conseil arbitral, les membres du tribunal, les citoyens ayant eu à plaider leur cause devant celui-ci, même le ministère, tous s’entendaient pour louanger ce processus informel, simple, efficace, rapide et humain [1]. La grande majorité des causes étaient entendues dans les 30 jours suivant le dépôt d’un appel et la décision rendue dans les jours qui suivaient l’audition.
La ministre de l’époque, madame Diane Finley, a remplacé ce processus par le Tribunal de la sécurité sociale (TSS). Selon elle, celui-ci devait permettre «de simplifier le processus d’appel tout en continuant de veiller à ce qu’il soit juste et équitable» [2]. La directrice des communications de la ministre mentionnait notamment que la refonte accélérera le traitement des causes et que le nouveau Tribunal de la sécurité sociale sera beaucoup plus efficace [3].
Dans la dernière année, les médias ont fait état à de nombreuses reprises de l’inefficacité de ce nouveau tribunal. Le dernier exemple en date est celui concernant les délais pour obtenir une audition. Selon les données que nous avons recueillies après une année de ce nouveau système, nous constatons qu’il faut maintenant quatre fois plus de temps pour être entendu en appel [4]. Il se passe donc maintenant plus de huit mois entre le moment où la personne reçoit une décision négative et le moment où elle recevra finalement une décision finale dans son dossier. Est-il besoin de rappeler que pendant tout ce temps, cette personne ne recevra pas un sous de prestations?
L’abolition du Conseil arbitral et son remplacement par le TSS étaient une très mauvaise idée. Le système fonctionnait à merveille et rien ne justifiait une telle intervention gouvernementale, «if it ain’t broken, don’t fix it». Les piteux résultats de la première année d’existence du tribunal sont malheureusement là pour le démontrer.
Avec de tels résultats, le ministre maintenant responsable de ce dossier, monsieur Jason Kenney peut-il encore prétendre aujourd’hui, comme le faisait son gouvernement pour justifier cette réforme, que le but recherché est toujours de «simplifier le processus et de le rendre beaucoup plus efficace»? Si le ministre est véritablement guidé par ces principes, il doit alors agir rapidement pour corriger le tir pour que le droit d’être entendu puisse à nouveau exister en matière d’assurance-chômage. S’il ne le fait pas, il sera permis de croire que le véritable souhait de ce gouvernement était de mener la vie dure aux chômeurs et chômeuses en faisant pratiquement disparaitre leur droit d’être entendu. Mais ça, monsieur le ministre, ce n’est pas ce que vous vouliez, n’est-ce pas?
[1] http://argent.canoe.ca/nouvelles/assurance-emploi-les-prestataires-perdent-un-tribunal-1112013
[3] http://fr.canoe.ca/infos/quebeccanada/archives/2012/05/20120517-183004.html
[4] Des délais quatre fois plus longs, Le Devoir, p.A-2, mardi 17 juin 2014