Le ministre Boissonnault doit quitter ses fonctions

Interventions médiatiques | 19 novembre

Le Mouvement Action-Chômage de Montréal réclame la démission du ministre canadien de l’Emploi et du Développement de la main d’œuvre, Randy Boissonnault. Son exclusion du cabinet Trudeau est la seule conclusion possible au vu de son arrogance à l’égard des travailleur.ses, de son immobilisme dans le dossier de l’assurance-chômage, mais aussi des récentes révélations qui soulèvent de sérieux doutes sur son intégrité. Le lien de confiance, déjà fragile, est définitivement brisé.

Élu en 2015 comme député d’Edmonton-Centre, Randy Boissonnault accède au conseil des ministres en 2021 via le portefeuille du Tourisme, avant d’être nommé en 2023 ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues Officielles. M. Boissonnault présente un profil fort sympathique et politiquement intéressant pour le gouvernement Trudeau, étant tour à tour libéral, représentant de la communauté LGBTQ+ et francophone. Tout ça en Alberta, une province qui votait et vote encore aujourd’hui conservateur dans une très large mesure. A priori, sa nomination au conseil des ministres a donc été plutôt bien accueillie. Depuis, la sauce s’est gâtée…

Les révélations incriminantes s’accumulent

Rappelons que M. Boissonnault a perdu son siège de député après avoir été défait aux élections de 2019 et qu’il a profité de cet interlude (2019-2021) pour diriger une entreprise, Global Health Imports (GHI), qui a vendu des millions de dollars d’équipements de protection médicale pendant la pandémie, notamment au gouvernement du Québec.

Au printemps dernier, le comité d’éthique du Parlement examinait l’implication du ministre dans son ancienne entreprise, après que Global News eut révélé que, plus d’un an » après le début de son deuxième mandat, M. Boissonnault était toujours officiellement inscrit comme le directeur de GHI. Rappelons que les ministres ne sont pas autorisés à s’engager dans la gestion ou l’exploitation d’une entreprise ou d’une activité commerciale. Boissonnault a répliqué avoir quitté son poste dès son élection en 2021 et que sa mention comme directeur de cette compagnie était une simple erreur administrative. Des messages envoyés en septembre 2022 et obtenus par Global News, dans lesquels deux personnes en lien avec GHI prévoient un appel avec un « partenaire » nommé Randy, ont cependant remis en question sa non-implication dans l’entreprise dont il était copropriétaire. Le ministre Boissonnault avait alors déclaré que ce Randy n’était pas lui. Commençait alors l’affaire de « the other Randy », dont l’identité ne sera jamais dévoilée, malgré des demandes répétées de l’opposition officielle. En juillet dernier, M. Boissonnault était blanchi par l’enquête préliminaire du commissaire à l’éthique du Canada, mettant fin (pour un temps) à ce premier épisode suspect.

En juin dernier, Le Devoir révélait que le ministre s’était présenté en 2015 et en 2019 comme un ancien « journaliste et commentateur politique pour Radio-Canada et Les Affaires ». Une information niée par les deux médias, alors que M. Boissonnault avait plutôt signé des lettres d’opinion. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec avait alors qualifié cette affirmation de « moralement discutable ». Le ministre avait refusé de répondre aux questions des médias dans cette affaire, n’apportant aucun éclairage à ce deuxième épisode « moralement discutable ».

Troisième épisode : L’origine de Randy Boissonnault fait l’objet d’une tempête médiatique au Canada anglais depuis la publication, la semaine dernière, d’un reportage du National Post, selon lequel l’entreprise de fournitures médicales qu’il a cofondée, toujours Global Health Imports (GHI), s’était identifiée comme appartenant à des Autochtones lors d’un appel d’offres pour un contrat fédéral en juin 2020. Le gouvernement fédéral indique aux fournisseurs potentiels qu’ils peuvent s’identifier comme étant autochtones uniquement s’ils figurent sur une liste officielle d’entreprises admissibles aux programmes qui favorisent les entreprises appartenant à des Autochtones, ce qui n’est pas le cas de GHI. Le ministre prétend ne pas avoir été au courant de ses démarches, qu’il attribue à son ancien associé chez GHI, Stephen Anderson. Clamant ne jamais s’être déclaré autochtone, le ministre Boissonnault se définit aujourd’hui comme une « personne adoptée par une famille autochtone », après s’être à plusieurs reprises identifiée comme un « Cri adopté sans statut ». Rappelons qu’en 2015, la Commission des peuples autochtones du Parti libéral avait désigné M. Boissonnault comme l’un des 10 candidats libéraux autochtones élus à la Chambre des communes. En 2019, le Parti libéral envoyait une mise au point indiquant que M. Boissonnault ne revendiquait pas d’héritage autochtone. Le parti a alors déclaré que l’information provenait d’une erreur du personnel.

Finalement, le National Post révélait hier que Global Health Imports (GHI)partageait une boîte postale avec Franceska Leblond, une femme impliquée dans deux saisies de drogue. La boîte postale en question est identifiée, selon plusieurs documents internes de GHI, comme la résidence de Mme Leblond, une femme visée par plusieurs opérations policières liées au trafic de cocaïne, dont 200 kg saisies par les autorités aéroportuaires dominicaines en avril 2022. Boissonnault a aujourd’hui répondu par la bouche d’une porte-parole qu’il ne connaissait pas Mme Leblond et ne l’avait jamais rencontré, jetant encore une fois la faute sur Anderson, son ancien associé. Le ministre a été convoqué pour une troisième fois devant le commissaire à l’éthique. Plusieurs experts demandent maintenant une vaste enquête sur les agissements du ministre en lien avec son ancienne compagnie.

Un ministre immobile et opaque

Cette série d’épisodes suspects révèle que l’opacité qui caractérise le parcours du ministre Boissonnault caractérise aussi malheureusement son ministère depuis qu’il en est aux commandes. Car avant d’être un député sous enquête, Randy Boissonnault est d’abord un bien mauvais ministre de l’assurance-chômage, qui laissera derrière lui un legs d’attentisme et de condescendance à l’égard des travailleur.ses.

À sa nomination, on s’attendait à ce que le nouveau ministre finalise deux chantiers menés par sa prédécesseure Carla Qualtrough, en poste de 2019 à 2023. Cette dernière avait reçu dans sa lettre de mandat de 2021 la directive de mener la réforme tant attendue du programme de l’assurance-emploi. Rappelons qu’à l’occasion de la pandémie, le gouvernement Trudeau avait publiquement constaté l’échec de ce programme et s’était engagé à l’améliorer de façon draconienne dès septembre 2020. La ministre Qualtrough avait par la suite mené une série de consultation auprès des associations d’employeurs, des syndicats et de la population en général. Depuis que M. Boissonnault a repris ce portefeuille en 2023, cette réforme semble avoir été abandonnée. Nous disons « semble », car jamais le ministre n’a publiquement déclaré que la réforme tant attendue n’aurait pas lieu. Il a plutôt évité de répondre directement, brandissant l’épouvantail de Poilièvre au lieu d’assumer ses actes.

Cette réforme devait entre autres s’attaquer à la discrimination vécue par les femmes qui sont privées de prestations d’assurance-emploi si elles perdent leur emploi durant ou après leur congé de maternité. Ce refus d’accorder une protection en cas de chômage aux nouvelles mères perpétue les iniquités vécues par les femmes sur le marché du travail. L’ancienne ministre Carla Qualtrough, avait publiquement déclaré qu’elle travaillait à mettre fin à cette mesure sexiste et que c’était même sa principale préoccupation. Questionné sur ce dossier en février dernier à la Chambre des communes, son successeur, Randy Boissonnault, a plutôt déclaré qu’il n’interviendrait pas tant que le dossier était devant les tribunaux. Cette réponse ne tient pas la route, de nombreux cas de discrimination en vertu de la Charte canadienne faisant l’objet de recours en justice ayant été par le passé réglés par des interventions législative à la Chambre des communes. Cerise sur le gâteau, le Mouvement Action-Chômage de Montréal s’est même vu refuser une demande de rencontre avec le ministre, sous prétexte que ce dernier connaissait déjà le dossier…

Finalement, le gouvernement Trudeau s’était engagé et a même fait adopter une loi créant un nouveau tribunal administratif pour traiter des appels de travailleurs.ses qui contestent des décisions de la Commission d’assurance-emploi du Canada. Ce dossier traîne aujourd’hui en longueur, le ministre se faisant encore et toujours évasif et n’offrant aucune réponse aux retards et au manque de transparence liés à la fin du tribunal actuel (Tribunal la sécurité sociale) et à la mise en service du futur tribunal (Conseil d’appel en assurance-emploi).

Sauver les meubles avant qu’il ne soit trop tard

Le mandat du gouvernement libéral s’achève et des élections seront bientôt déclenchées. Les groupes de défense des chômeur.ses ne sont pas dupes. La réforme promise ne sera pas mise en place avant la prochaine élection, qui verra vraisemblablement le Parti conservateur prendre le pouvoir à Ottawa. Mais il reste encore du temps. Du temps qui pourrait être utilisé pour réaliser certaines promesses ciblées en assurance-chômage. Cela ne sera jamais possible avec un ministre sous enquête et qui n’a plus la confiance de grand monde au pays. La semaine dernière, la troisième opposition officielle déposait un projet de loi pour l’amélioration du programme d’assurance-emploi, une amélioration substantielle que les travailleur.ses attendent depuis des décennies. La présence de M. Boissonnault à la tête du ministère constitue une diversion qui rend impossible le travail transpartisan permettant une étude constructive dudit projet de loi.

Le cabinet du premier ministre doit agir de façon responsable et exiger la démission de Randy Boissonnault. Il s’agit pour le gouvernement Trudeau du dernier recours pour honorer ses engagements et sauver le programme d’assurance-emploi de son éternelle agonie.

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