Assurance-chômage : une réforme adoptée en catimini ?

Interventions médiatiques | 14 janvier

Avec le temps des Fêtes et ses guignolées derrière nous, on risque de ne pas entendre parler de pauvreté avant un petit moment. Or, de plus en plus de gens, à Montréal comme ailleurs, se démènent à l’année longue pour joindre les deux bouts. Afin de lutte contre la pauvreté, le régime d’assurance-chômage est un élément primordial de notre filet social. Or, contrairement à ce qui avait été promis par le gouvernement Trudeau, les sans-emploi n’ont rien eu pour Noël…

Rappelons quelques faits. En mars 2020, le ministre Jean-Yves Duclos, alors président du Conseil du Trésor, avouait publiquement l’échec du programme en place : « On savait que le filet de l’assurance emploi était un peu trop percé, ne couvrait pas assez grand, mais on n’a pas procédé assez rapidement à sa réforme. (…) On peut et on doit faire encore mieux ». Face à un naufrage économique annoncé, le gouvernement Trudeau préférait crée dans l’urgence la Prestation canadienne d’urgence plutôt que de traverser la pandémie avec un programme d’assurance-emploi incapable de protéger adéquatement les chômeur.ses du COVID-19.

En janvier 2021, la ministre en charge du dossier de l’assurance-chômage, Carla Qualtrough, recevait une lettre de mandat claire, prévoyant l’adoption rapide d’une réforme du programme d’assurance-emploi. Depuis, le gouvernement canadien a procédé à des consultations auprès des partenaires du milieu. Des consultations très peu publicisées, dont certains volets se sont déroulés sur invitation seulement. Le tout, sans qu’aucune proposition précise ou réelle déclaration d’intention ne soit faite par le gouvernement. Le résultat des consultations ne nous éclaire pas davantage, présentant en quelque sorte une liste d’épicerie éclectique des demandes et réflexions des milieux patronal, syndical et communautaire. Bref, deux ans plus tard, impossible de savoir où loge le gouvernement Trudeau. Question transparence, on a déjà vu mieux !

ET MAINTENANT ?

Les mesures de transition mises en place durant la pandémie ont pris fin l’automne dernier et les travailleur.ses en chômage doivent aujourd’hui conjuguer avec le programme d’assurance-emploi en vigueur avant la pandémie, unanimement qualifié d’inefficace, complexe et injuste. Au sein du Parlement comme dans la société civile, nombreuses ont été les voix demandant, en vain, au gouvernement de prolonger les mesures de transition jusqu’à ce que la réforme soit adoptée.

Ces mesures facilitaient l’accès à l’assurance-emploi, ainsi que le traitement des demandes par Service Canada. Alors que la machine administrative est sur le point d’exploser – des chômeur.ses attendent leur chèque pendant des mois, 975 000 articles de travail sont en attente et le taux de roulement des fonctionnaires s’établit à environ 40% annuellement- n’aurait-il pas été avisé de suspendre le retour au programme habituel d’assurance-emploi, le temps de faire le ménage et de procéder à une réforme espérée de tous ?

Pire encore, il semble bien que le gouvernement Trudeau adoptera sa réforme par la porte d’en arrière. Après avoir mené des consultations dans l’opacité, on apprend par des sources internes que le ministère pourrait présenter sa soi-disant réforme dans le cadre de l’adoption du prochain budget fédéral. En procédant ainsi, plutôt que par le dépôt d’un projet de loi, il court-circuitera la mécanique parlementaire qui garantit de réelles consultations et débats, que ce soit en Chambre ou en comité.

Cette manœuvre anti-démocratique, calquée sur les méthodes de Stephen Harper, nous privera d’un réel débat de fond sur ce qui peut et doit changer à l’assurance-chômage, un programme qui aide annuellement près d’un million de travailleur.ses au Canada. Si la lutte à la pauvreté et l’atteinte de l’égalité sont de réelles cibles, le gouvernement Trudeau doit revoir son plan de match. A défaut, il risque fort d’accoucher d’une souris. Bonne année quand même…

L’équipe du MAC de Montréal

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