Élections fédérales 2021 et assurance-chômage : le temps du rafistolage est révolu
Interventions médiatiques | 20 septembre
Alors que l’économie est encore lourdement affectée par une pandémie qui n’en finit plus de finir, la Prestation canadienne de relance économique (PCRE) est devenue le bouc-émissaire tout trouvé pour expliquer la pénurie de main-d’œuvre au Québec.
Si cet argumentaire, émanant le plus souvent du patronat, peut être critiqué pour son simplisme et sa démagogie, le plus navrant est qu’il crée en ce moment un écran de fumée qui distrait de l’enjeu qui devrait nous occuper en campagne électorale : le programme d’assurance-emploi (AE). En effet, si le filet social s’est amélioré pour les sans-emploi durant la pandémie, ce n’est que passager.
Rappelons que la Prestation canadienne d’urgence (PCU) a été mise en place dans l’urgence au printemps 2020 pour pallier un programme d’assurance-emploi complètement inadapté pour faire face à la crise, comme il l’est d’ailleurs depuis des décennies à réellement aider les travailleur.ses au chômage.
Et ce de l’avis même du président du Conseil du Trésor et ancien ministre en charge du dossier, Jean-Yves Duclos, qui déclarait l’an dernier : « On savait que le filet de l’assurance emploi était un peu trop percé, ne couvrait pas assez grand, mais on n’a pas procédé assez rapidement à sa réforme. »
Depuis trois décennies, les groupes de défense des chômeur.ses et les syndicats revendiquent des changements profonds à un programme inaccessible et injuste, auquel à peine 40% des travailleurs auront droit en cas de chômage. Un programme discriminatoire envers les femmes et qui précarise les sans-emploi les plus pauvres au lieu de les soutenir.
Depuis l’aveu d’échec pandémique, un certain consensus semblait se dessiner : le temps du rafistolage de l’assurance-chômage est révolu. Malheureusement, aucun des principaux partis fédéraux ne semble aller dans ce sens. Encore une fois, on semble vouloir régler les problèmes à la pièce, plutôt que de créer un régime d’assurance-chômage juste et universel.
Le NPD propose de créer un supplément de faible revenu à l’AE pour les travailleur.ses plus pauvres, de créer un projet-pilote pour augmenter la couverture des saisonniers et de permettre de toucher des prestations en cas de départ volontaire, mais dans des cas bien précis. De son côté, le Parti conservateur souhaite créer une Super Assurance Emploi qui offrira temporairement des prestations plus généreuses lorsqu’une province sera en récession.
Toutes ces mesures, bien qu’elles puissent être intéressantes à court terme, versent dans le clientélisme et colmatent les brèches temporairement, sans plus. Perdre son travail est un épisode particulièrement difficile, financièrement et humainement et ce, peu importe notre région ou le type d’emploi qu’on occupe. Un régime réellement universel et équitable offrirait une protection digne de ce nom pour tous et toutes, incluant au premier chef les travailleur.ses occupant des emplois saisonniers, à temps partiel et/ou précaires.
De leur côté, le Bloc Québécois et le Parti Libéral promettent une réforme du programme d’assurance-emploi. Dans les deux cas, peu de détails sont donnés, si ce n’est la volonté d’inclure les travailleur.ses autonomes et « de la demande » (Uber, TaskRabbit, Upwork, Freelancer, etc…). Pire encore, les libéraux ont annoncé que la réforme ne se ferait pas avant deux ans, voire plus, prétextant la vétusté du système informatique de la Commission d’assurance-emploi….
Certes, l’absence de protection en cas de chômage des travailleur.ses autonomes et de la demande mérite qu’on s’y attarde, alors qu’un nombre important d’entre eux composent un « précariat 2.0 », occupant des emplois mal rémunérés et livrés à eux-mêmes.
Un premier pas vers la protection de ces travailleur.ses, souvent dépendants d’un employeur et faussement considérés comme « autonomes » ou « de la demande », serait de vérifier et contrôler leur statut d’emploi afin qu’il corresponde juridiquement et fiscalement à la réalité, soit celle d’un.e salarié.e.
L’inclusion à l’assurance-emploi des travailleur.ses autonome et de la demande est cependant une question complexe, « épineuse » selon la ministre Carla Qualtrough, qui prendra du temps à résoudre. Elle ne doit pourtant pas servir d’excuse à repousser aux calendes grecques une réforme essentielle pour la main-d’œuvre salariée.
La pandémie nous a appris que personne n’est à l’abri d’une perte d’emploi et que le programme d’assurance-emploi, tel que nous le connaissons depuis 30 ans, est inopérant. Plutôt que de proposer des mesures à la pièce ou de s’engager dans des promesses de réforme sans propositions concrètes, les partis fédéraux doivent participer à un débat sérieux sur l’accès au programme d’assurance-emploi, sur le taux et la durée des prestations, de même que sur la place de l’État dans son financement. À défaut d’agir, des millions de travailleur.ses seront, une fois de plus, plongés dans la pauvreté en cas de perte d’emploi.