Réseaux sociaux: toute vérité n’est pas bonne à dire

Actualités | 9 mai

Au moment où le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada sonne l’alarme sur la pratique d’institutions gouvernementales qui collectent de renseignements personnels par l’entremise des réseaux sociaux, nous rediffusons cet article publié à l’automne 2011 dans notre bulletin L’INFOMAC:

Par Jacques Beaudoin

De plus en plus de gens sont sensibilisés au problème de la confidentialité et de la protection des renseignements personnels lorsqu’ils utilisent les réseaux sociaux, dont Facebook est certes le plus populaire. Mais il y en a encore beaucoup qui y racontent toute leur vie, jusque dans les détails les plus intimes – pour le meilleur… et parfois pour le pire. Certains utilisateurs Facebook, en effet, sont comme un grand livre ouvert.

Il y a de plus en plus de cas où les informations qu’une personne dévoile innocemment sur les réseaux sociaux se retournent contre elle. On a vu, récemment, le cas du directeur des émissions d’affaires publiques à Radio-Canada, Pierre Sormany, forcé de démissionner après avoir révélé sur sa page Facebook le nom d’un «journaliste» (le commentateur Jean Lapierre) soupçonné d’avoir intimidé l’ancien patron de l’Unité anticollusion, Jacques Duschesneau.

De plus en plus d’employeurs et de compagnies d’assurance espionnent les pages Facebook de salariéEs en arrêt de travail maladie, afin de les prendre en défaut. La personne en arrêt de travail parce qu’elle souffre de maux de dos chroniques risque de s’attirer des ennuis si elle raconte à tous ses «amis» qu’elle est en train d’effectuer des travaux de rénovation majeurs à sa maison, photos à l’appui…

Dans une décision récente [1], la Commission des lésions professionnelles a jugé recevable la preuve de propos tenus sur Facebook. Elle a rejeté l’argument voulant qu’il s’agisse de communications strictement privées: «La Commission des lésions professionnelles retient que ce qui se retrouve sur un compte Facebook ne fait pas partie du domaine privé compte tenu de la multitude de personnes qui peuvent avoir accès à ce compte. La liste de ses amis peut être longue et chaque liste de ses amis peut être tout aussi longue.»

Nous ne connaissons pas encore de cas, au MAC de Montréal, où la Commission de l’assurance-chômage ait utilisé une telle preuve pour rendre inadmissible un prestataire. Mais ça ne saurait tarder… Disons que si la Commission soupçonne un prestataire de ne pas faire une recherche active d’emploi et doute de sa disponibilité pour travailler, ce ne sera peut-être pas une bonne idée, pour ce même prestataire, d’annoncer à ses 532 «amis» sur le mur de sa page Facebook qu’il planifie quelques bonnes parties de golf…

Dans le même sens, si une salariée est congédiée par son employeur parce qu’elle a écrit, toujours sur Facebook, que son boss est une ordure et qu’il mériterait d’être pendu haut et court, la Commission risque fort de conclure à une inconduite et d’exclure cette salariée du droit aux prestations. Cette dernière aura alors fort à faire pour convaincre la Commission – ou le tribunal – qu’elle n’a pas nui de façon délibérée ou par négligence à son employeur, même si ce qu’elle a écrit (savoir que le boss est une ordure) n’était que pure vérité!

Bref, nous ne saurions trop recommander la prudence quant à l’utilisation des réseaux sociaux, et plus généralement, à votre activité dans le cyberespace – ne serait-ce que pour éviter les malentendus. Si, par le passé, on avait coutume de dire qu’il valait mieux tourner sa langue sept fois avant de parler, il est de mise, de nos jours, de relire son message deux ou trois fois avant de cliquer sur le bouton «Publier» et de se demander ce qui se passera s’il arrive aux yeux du boss ou de l’agent d’assurance-chômage…

[1] Landry et Provigo Québec inc. (Maxi & Cie), 2011 QCCLP 1802.