Projet de loi C-19 – section 32 : Un recul pour l’accès à la justice des chômeur.ses

Lois et règlements | 12 mai

Montréal, le 12 mai 2022 

L’Honorable Carla Qualtrough 

Ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre 

et de l’Inclusion des personnes en situation de handicap 

 

Madame la ministre,

Le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE) a pris connaissance de la section 32 du projet de loi d’exécution du budget et souhaite partager ses préoccupations concernant la réforme du processus d’appel qui pourrait être enclenchée cette année.

Soulignons au préalable que le MASSE déplore le choix du gouvernement de divulguer pour la première fois ses intentions à l’égard du nouveau Conseil des appels au moment du dépôt du projet de loi C-19, soit près de trois ans après l’annonce de la réforme. En sortant ainsi de son mutisme après de longues années, non seulement le gouvernement place aujourd’hui les parties prenantes devant le fait accompli, mais admet s’être privé d’une riche expertise qui influencera sans contredit la confiance du public envers la qualité de la justice administrative qui se doit d’être accessible, équitable et transparente considérant la vulnérabilité économique des prestataires d’assurance-emploi.

Dans le rapport émanant de la rencontre du groupe de travail sur le processus de recours à l’AE les 24 et 25 octobre 2018, les intervenant.e.s ont exprimé leur satisfaction sur « le fait que cette séance est en soi un modèle tripartite d’élaboration conjointe, et ont encouragé le Ministère à l’intégrer à ses structures de gouvernance pour le processus de recours ». Nous avions espoir à l’époque que l’élaboration du processus d’appel se ferait en collaboration avec le groupe de travail mis sur pied, conformément aux recommandations issues de l’Examen du Tribunal de la sécurité sociale du Canada pour Emploi et Développement social Canada de 2017 par la firme KPMG.

Si le gouvernement a échoué jusqu’à maintenant à respecter son engagement d’inclure activement les différent.e.s intervenant.e.s dans cette réforme – erreur à l’origine de l’implantation chaotique du TSS en 2013 – , il n’est pas trop tard pour que le Conseil des appels fasse l’objet d’une délibération appropriée. Pour se faire, il est toutefois impératif que la section 32 du projet de loi C-19 soit retirée du projet de loi d’exécution du budget qui, dans sa forme actuelle, mine toutes possibilités d’examen approfondie de la nouvelle structure d’appel et fait obstacle à l’atteinte des objectifs énoncés par le ministre Duclos à l’été 2019.

Compte tenu de la situation précaire des personnes en chômage qui désirent contester une décision de la CAE, votre gouvernement doit s’assurer que le nouveau système d’appel soit « simple, rapide, efficace et adapté aux besoins réels des chômeurs et chômeuses ». Or, au regard des informations fournies dans le projet de loi C-19 et des améliorations apportées depuis 2018 au Tribunal de la sécurité sociale, rien n’indique que le nouveau Conseil des appels représentera réellement une avancée en termes d’accès à la justice pour les chômeurs et chômeuses.

D’une part, le MASSE s’explique mal pourquoi la gestion du Conseil des appels relèverait essentiellement du sous-ministre de l’Emploi et du Développement social plutôt que de la Commission de l’AE comme cela était le cas pour les Conseils arbitraux. Le MASSE se questionne également sur la neutralité du Conseil des appels qui doit être indépendant aussi bien vis-à-vis du gouvernement que vis-à-vis des parties au litige. Il sera nécessaire de mettre en place des mécanismes de reddition de comptes qui favorisent la transparence et le partage d’informations entre la Commission de l’assurance-emploi et l’organe qui permet de contester ses décisions. Rappelons que le TSS aura mis quatre ans avant de produire son premier rapport d’activité.

En plus de mettre à mal l’indépendance de la nouvelle structure d’appel, la réforme en cours pourrait compromettre sérieusement l’esprit derrière le tripartisme pour le premier palier d’appel. Rappelons par ailleurs que la compréhension du contexte de vie professionnel et personnel, et donc la bonne connaissance des réalités du marché du travail des différentes régions, était au cœur d’un organe comme le Conseil arbitral. Ce faisant, un tribunal tripartite qui n’exige pas une représentation régionale de ses membres et ne s’accompagne pas d’audiences en personne constitue difficilement une réponse suffisante aux problèmes observés au TSS.

Enfin, le MASSE estime que la nouvelle structure d’appels pourrait décourager les chômeurs et chômeuses à faire valoir leurs droits si, dans l’optique de réformer à partir de zéro une structure déjà fragile, elle abandonne les améliorations apportées au TSS dans les dernières années.

Madame la ministre, devant l’importance de la réforme qui s’amorce, le MASSE vous invite aujourd’hui à donner aux intervenant.e.s l’occasion de faire connaître leurs recommandations concernant le nouveau mode d’appel et de remettre en place un comité de travail sur la question le plus rapidement possible.

Veuillez agréer, Madame la ministre, l’expression de ma considération distinguée.

Avocate et présidente du Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE)

1691 Boulevard Pie-IX, Montréal, H1V 2C3,

masse@lemasse.org ; (514) 524-2226

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