Le Tribunal de l’insécurité sociale – une atteinte aux droits et à l’accès à la justice (bilan du MASSE)

Textes et analyses | 2 novembre

Montréal, le 24 octobre 2016 – Le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE) profite de la Semaine nationale des chômeurs et chômeuses pour lancer Le Tribunal de l’insécurité sociale – une atteinte aux droits et à l’accès à la justice, un bilan des trois années d’existence du Tribunal de la sécurité sociale (TSS) dont les constats sont extrêmement préoccupants au niveau de l’accès à la justice et des droits des chômeurs et chômeuses.

On se souviendra qu’en 2012 le gouvernement fédéral a procédé à une réforme majeure du régime d’assurance-emploi que l’on a qualifiée de saccage. On se souviendra également qu’en raison du mécontentement populaire, le Parti libéral du Canada s’était engagé, en campagne électorale, à abolir la réforme Harper. Pour Marie-Hélène Arruda, coordonnatrice du MASSE,     « Bien qu’en juillet dernier le gouvernement Trudeau ait respecté une partie de sa promesse en faisant marche arrière quant à la définition d’emploi convenable, il reste que son gouvernement n’a encore rien fait par rapport à l’autre élément central et controversé de la réforme de l’assurance-emploi, le Tribunal de la sécurité sociale ».

Dans son bilan, le MASSE souhaitait vérifier si les craintes exprimées lors de la création du TSS il y a plus de trois ans se sont matérialisées. Force est de constater que oui.

La création du TSS a fait perdre aux appelants leur appel de plein droit puisqu’un décideur peut rejeter une cause sans l’avoir entendue (rejet sommaire) et qu’en deuxième instance, l’appelant doit demander la permission pour être entendu. Au regard des données obtenues, le MASSE a fait le constat alarmant que dans les quelques cas où des rejets sommaires ont été contestés, la moitié d’entre eux ont été renversés, illustrant ainsi une utilisation abusive de cette mesure qui enlève le droit d’être entendu aux chômeurs et chômeuses. Par ailleurs, à la division d’appel, près de la moitié des personnes ayant demandé à ce que leur cause soit entendue, n’en ont pas obtenu l’autorisation (195 refus sur 427 permissions demandées).

Autre nouveauté amenée par le TSS, les audiences peuvent se tenir de différentes façons. Ainsi, le MASSE craignait que l’audience en personne, qui était la norme, devienne plutôt l’exception. Et bien cette crainte s’est concrétisée. À la division générale, pour l’année 2014-2015, 68,5 % des audiences ont été tenues par téléphone. Les audiences en personne ne représentent plus que 16,4% des audiences en première instance. Pour Mme Arruda, il s’agit là d’un enjeu préoccupant : « Certains croient que le fait de tenir des audiences par téléphone ou par visioconférence ne change rien. Mais les études et l’expérience démontrent qu’il a y a un effet certain sur le niveau de stress et d’inconfort des appelants, que la crédibilité peut être difficilement évaluable virtuellement et que cette distance joue négativement sur l’empathie du décideur ».

C’est sans parler des délais et de la complexité de la procédure qui ont pour effet de décourager les chômeurs et chômeuses à contester. En effet, le nombre d’appels a diminué drastiquement (environ 17 000 appels de moins par année à la division générale) alors que les délais de traitement des appels, quant à eux, ont explosé (en moyenne 262 jours à la division générale du TSS et 395 jours à la division d’appel pour 2014-2015). « Ça n’a pas de bon sens de devoir attendre plus d’un an pour qu’un tribunal détermine si tu as droit à des prestations d’assurance-emploi. C’est urgent, car pendant ce temps-là, les chômeurs eux, n’arrivent pas à payer leur loyer ! » renchérit Mme Arruda.

Ainsi, pour le MASSE, le gouvernement Trudeau doit respecter ses promesses et agir rapidement en remettant en place les structures décisionnelles qui prévalaient avant la réforme de l’assurance-emploi.