Le combat des mères pour faire changer la Loi sur l’assurance-emploi

Interventions médiatiques | 5 mars

Dans le cadre de la Journée des droits des femmes, Le Devoir a publié un article sur notre recours constitutionnel visant à faire déclarer sexistes certaines dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi.

 

Six femmes qui ont subi une perte d’emploi involontaire pendant leur congé de maternité et qui n’ont pas eu pleinement droit aux prestations d’assurance-emploi subissent un premier revers dans leur lutte pour faire changer la Loi sur l’assurance-emploi, qu’elles jugent discriminatoire.

Le recours de l’organisme Mouvement Action-Chômage (MAC) et de ces mères visait à faire déclarer inconstitutionnelles certaines dispositions discriminatoires de cette loi qui ont pour effet de priver l’accès des femmes aux prestations régulières d’assurance-emploi et l’omission de prendre en compte les absences sur le marché du travail liées à la grossesse, à la maternité et aux responsabilités parentales.

Alors qu’en janvier dernier, le Tribunal de la sécurité sociale leur donnait raison, la Commission de l’assurance-emploi a reçu l’ordre de porter en appel la décision du Tribunal.

« Ça ne me surprend pas que cela soit porté en appel. Je suis quand même très contente parce qu’au fond de nous, on ne s’attendait pas à gagner la cause. Nous nous étions déjà dit, “on va se battre jusqu’au bout ; s’il faut aller jusqu’en Cour suprême, on va le faire” », raconte Laurie Chalifour-Racine, une des mères travailleuses représentées dans cette cause.

Les femmes n’ont pas à “choisir” de ne pas être enceintes afin d’éviter de perdre des droits

Le Tribunal de la sécurité sociale avait pourtant statué en janvier que « […] parce qu’elles sont des femmes qui ont eu une grossesse, elles ne peuvent pas obtenir les avantages des autres assurés ». De plus, « [si] une femme perd son emploi pendant son congé de maternité et parental, elle n’a plus de protection. Elle doit donc se fier à ses économies ou au revenu de son conjoint. Cela maintient les femmes dans la pauvreté et dans un lien de dépendance. C’est considérer les revenus des femmes comme un salaire d’appoint qui ne mérite pas la même protection », peut-on lire dans la décision rendue par le Tribunal

« Dans sa décision, le Tribunal met de l’avant l’importance de l’égalité dans notre société et reconnaît pleinement que les femmes s’appauvrissent en assumant de façon disproportionnée les responsabilités familiales, résume Emmanuelle Brault, vice-présidente du MAC. Les femmes n’ont pas à “choisir” de ne pas être enceintes afin d’éviter de perdre des droits. »

Rappelons qu’une travailleuse qui perd involontairement son emploi durant son congé de maternité n’aura pas droit non plus aux prestations régulières d’assurance-emploi au terme de son congé de maternité. En effet, la loi ne prévoit pas la possibilité de prendre en compte les heures de travail effectuées avant le congé de maternité afin que la nouvelle mère puisse se qualifier aux prestations d’assurance-emploi.

« Je ne le fais pas parce que je veux avoir de l’assurance-emploi rétroactivement, ce n’est pas du tout mon intention, je le fais parce que je veux que la loi change. J’aimerais que toutes les femmes qui décident d’avoir un enfant connaissent la situation dans laquelle elles se mettent. Parce que personne ne nous dit cela, si tu perds malheureusement ton emploi pendant ton congé de maternité, tu n’as aucune protection financière. Déjà que les femmes soient au courant de cela et que ça n’ait plus lieu en 2022. C’est complètement inacceptable qu’on soit obligé de se mettre à la merci financière de notre partenaire ou qu’on pige dans nos économies parce qu’on a décidé d’avoir un enfant. Mon réel but, c’est de faire changer les choses et ça serait bien que cela se fasse rapidement pour que le plus de femmes puissent en bénéficier », lance Laurie Chalifour-Racine.

Contexte politique

« À la base, nous voulions attirer l’attention politique sur cet enjeu. Nous avons besoin d’une volonté politique puisque modifier la loi, c’est le pouvoir du législateur », rappelle l’avocate Me Kim Bouchard, qui s’occupe du dossier avec le MAC.

Alors que le premier ministre Justin Trudeau a enjoint à la ministre responsable de l’assurance-emploi, Carla Qualtrough, de s’« attaquer aux inégalités et aux disparités systémiques profondes qui demeurent présentes dans notre tissu social », le MAC se demande donc pourquoi ce gouvernement conteste le jugement du Tribunal de la sécurité sociale.

« En attendant une modification législative, la décence élémentaire eût été de ne pas contester un jugement qui ne fait que confirmer la discrimination à laquelle le gouvernement Trudeau prétend justement vouloir s’attaquer », écrit le MAC dans une lettre ouverte publiée sur son site Web.

« Présentement, nous avons des appuis du côté du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois qui sont prêts à ce que la loi soit modifiée. Si les libéraux disaient demain “on modifie la loi”, ils auraient l’appui de ces deux partis. Avec une volonté politique, on pourrait régler ce problème », conclut Me Bouchard.

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